Lors de sa dernière entrevue avec Céline, Michael Jackson lui avait commandé un nouveau tableau qui a, depuis, beaucoup fait parler de lui : Mad Hatter (« Le chapelier fou »). Certains fans qui refusent de croire à la mort de Michael Jackson affirment que Mad Hatter possède un sens caché laissant entendre que le Roi de la Pop a prémédité sa disparition. Le tableau le met en scène dans le tourbillon d’un décor d’Alice au Pays des Merveilles fantastique…
Mad Hatter a fait beaucoup de vagues auprès de certains fans, que ce soit en France ou à l’étranger. Comment t’est venue l’idée de représenter Michael sous les traits du Chapelier Fou ?
C’est à l’occasion de notre ultime entretien à Los Angeles que l’idée a germé. Je savais que Michael était un grand fan du travail de Tim Burton et j’avais entendu parler du fait que ce dernier était en train de tourner sa version d’Alice au Pays des Merveilles. Du coup j’ai demandé à Michael s’il était au courant et ce qu’il en pensait. Nous sommes tous deux tombés d’accord pour dire que cela allait être quelque chose de fantastique ; Michael m’a avoué adorer l’univers barré de Lewis Carroll, c’est alors qu’il m’a suggéré de travailler sur le thème d’Alice pour un prochain portrait : il se voyait bien en Chapelier Fou !
L’un des éléments les plus commentés est l’omniprésence des symboles du temps sur cette toile (la montre à gousset, les horloges, etc). Sais-tu quel était le rapport de Michael au temps qui passe ? Etait-ce un thème qu’il souhaitait te voir aborder dans cette œuvre ?
Encore une fois on retrouve dans ce tableau bon nombre de symboles, que ce soit le sol dallé, l’as de pique ou encore les multiples horloges. Le temps ici est distordu un peu comme si Michael se trouvait dans un univers parallèle. La multiplication des pendules dans cette toile est une idée de Michael qui avait évoqué à ce sujet les célèbres montres molles de Dali et l’univers tordu et minéral de Gaudi. Quant à savoir exactement quel était le rapport de Michael au temps qui passe, je suis certaine d’une chose : il s’appliquait à délivrer le meilleur travail possible car il savait au fond de lui que son Art lui survivrait et que c’est cela que le monde retiendrait de lui.
A l’époque où tu l’as rencontré pour la première fois, il n’était pas encore papa et n’avait pas traversé le douloureux procès auquel il a dû faire face en 2005. As-tu eu le sentiment que ses expériences de vie, bonnes ou mauvaises, ont modifié ses attentes en matière d’art ?
Michael a fait preuve d’une certaine constance dans ces goûts en matière d’art : il était très attaché à la symbolique, au fil des ans peut-être s’est-il dirigé un peu plus vers des thèmes plus profonds et philosophiques…
Parlons d’une autre toile, Messenger. Elle a été peinte après la disparition de Michael. Était-ce un challenge de reprendre les pinceaux ou l’as-tu fait naturellement ?
Messenger est effectivement la toute première toile le représentant que j’ai créée après sa disparition. Il m’a fallu plus de six mois pour me décider à reprendre les pinceaux pour le représenter de nouveau mais c’était pour moi quelque chose de nécessaire. Cette toile représente une rupture dans mon travail, Michael y apparaît sous les traits de Mercure, le messager des Dieux. Il avait l’habitude de dire que son talent, ses paroles, ses arrangements, ses pas de danse, ses idées lui venaient de Dieu, qu’il n’était au fond qu’un réceptacle, un messager ; il ne s’attribuait donc aucun mérite dans son génie et c’est ce que j’ai voulu traduire ici.
Messenger fait la part belle à la couleur noire et c’est un choix artistique que tu n’avais pas fait jusqu’à présent. Michael préférait-il les tableaux colorés ? Est-ce que le fait de ne plus recevoir son feedback t’ouvre aussi, dans un sens, d’autres horizons artistiques, te permettant d’explorer des directions que tu n’avais pas explorées jusqu’à présent ?
Le côté noir et solennel de cette œuvre est effectivement bien différent de ce que j’ai pu faire jusqu’ici, c’est un réel parti pris qui vise à traduire la notion d’éternité, d’absolu. J’ai envie de penser que Michael aurait apprécié cette vision mais bien évidemment, son avis me manque. Cependant, je peux aujourd’hui difficilement m’empêcher de me dire tout en travaillant « Michael préfèrerait ceci, cela, cette expression, cet angle d’attaque… ». Je pense très souvent à lui quand je me retrouve face à des œuvres qu’il appréciait tant comme il y n’y a pas si longtemps devant le David de Michel-Ange.
As-tu l’intention de continuer à peindre ? L’absence de Michael freine-t-elle ta motivation ou te pousse-t-elle au contraire à continuer pour honorer sa mémoire ?
Il faut continuer, cultiver chaque don que nous avons reçu en cadeau, c’était le message de Michael et c’est bien ce que j’ai l’intention de faire. Je vais donc continuer à dessiner, à griffonner, raturer, recommencer, sans oublier de lui rendre encore hommage : je suis d’ailleurs actuellement en train de travailler sur un nouveau portrait à la manière des tableaux à la chandelle de Delacroix, un grand maître cher à son cœur.
Michael avait tendance à considérer son art comme une mission divine. Penses-tu qu’aujourd’hui, il aurait le sentiment d’avoir accompli sa mission sur Terre ?
Michael était une personne profondément perfectionniste et d’une grande humilité, je pense donc qu’il s’interdirait de penser une telle chose, pourtant il faut bien reconnaître qu’il a touché la vie de millions de personnes à travers son art, son engagement total et la magie de l’univers qu’il a su construire : en cela son passage sur terre aura été une réelle bénédiction.
Céline, je tiens à te remercier personnellement et, je pense, au nom de tous nos lecteurs qui parcourront cette interview. D’abord, pour être allée chercher au fond de toi des souvenirs et des émotions qu’il n’est sans doute pas facile de faire remonter maintenant que Michael n’est plus parmi nous. Ensuite, pour avoir accepté de raconter cette histoire publiquement, sans la galvauder, alors même qu’elle met en lumière une facette de Michael Jackson que les médias n’étaient pas nécessairement prêts à accueillir. Enfin, pour l’avoir fait dans une perspective pleine de respect et d’humilité où l’on sent poindre un éternel désir d’apprendre. Le mot de la fin reviendra à ta Muse…